BskyB / Skyrock : annulation de marques déposées en violation d'un accord de coexistence

Conclure un accord de coexistence permet de prévenir ou de mettre fin à un conflit. C’est une pratique courante à laquelle les titulaires de marques ont recours pour réduire les risques juridiques susceptibles de peser sur celles-ci.

Lorsqu’un litige survient à propos de la portée et de l’exécution d’un tel accord, les tribunaux en ont, comme dans l’affaire relatée, une interprétation stricte. Le plus grand soin doit donc être apporté à la rédaction de ces « pactes de non-agression ».

Suite à un différent né de l’existence de leurs marques Skyrock et Skyzin déposées en 1985 et 1987 d’une part et Skychannel déposée en 1983 d’autre part, les sociétés Vortex (Skyrock) et Sky Television (BskyB) avaient conclu un accord de coexistence.

L’accord, signé en novembre 1988, comprenait notamment des engagements formulés de la façon suivante :

  • VORTEX n’utilisera jamais ni ne cherchera à obtenir l’enregistrement d’autres marques contenant le terme « SKY » à l’exception de « SKYROCK » et « SKYZIN ».
  • SKY TELEVISION n’utillisera jamais les combinaisons « SKYROCK » ou « SKYZIN » pour quelque raison que ce soit.

En 1993, la marque Skychannel n’a pas été renouvelée par Sky Television.

Par la suite, la société Vortex a déposé un certain nombre de marques comprenant le radical SKY, telles que RAP-N-SKY, SKYROULETTE, SKYMAG, SKY BAROMETRE, SKYBANK, SKYDIRECT, SKYGROOVE, SKYRAGGA, SKY RAI, SKYRAP, SKYREGGAE, SKYRNB, SKY TECHNO, SKYBASE, SKYZ, SKY, SKYTOF, SKYCHAT, SKYBLOG et SKY MOBILE.

Condamnée par un jugement du 16 janvier 2004, la radio soutenait schématiquement dans son appel que la marque Skychannel étant abandonnée, l’accord de coexistence se trouvait dépourvu de cause et devait donc être considéré comme caduc.

La Cour a confirmé le jugement rendu en première instance quant à la portée de l’accord : son objet n’est pas cantonné au reglement de la procédure engagée le 2 juin 1988 en liaison avec la marque Skychannel, mais il concerne plus généralement la protection du signe SKY. Ainsi, selon les juges l’accord n’a pas cessé de lier les parties à l’expiration de la marque Skychannel et les marques litigieuses ont donc été déposées en violation des engagements qu’il contient.

Est également rejeté l’argument de la société Vortex selon lequel cet accord serait contraire au droit de la concurrence :

« l’accord du 3 novembre 1988 ne saurait caractériser une volonté de fausser ou restreindre la concurrence, dès lors que celui-ci (…) a exclusivement pour objet d’organiser, entre les parties, l’utilisation du signe SKY dans les marques concernant les services et produits de la radio et de la télévision à l’exclusion de toute idée d’établir les conditions d’un partage des marchés relatifs à ces services et à ces produits« .

Les marques contenant le terme SKY et déposées par la société Vortex postérieurement à la conclusion de l’accord de coexistence sont donc annulées.

La Cour confirme l’interdiction faite à la société Vortex de faire usage du terme SKY seul ou en combinaison avec d’autres termes, à l’exception de SKYROCK et de SKYZIN.

Le préjudice résultant de la violation des obligations contractuelles de la société Vortex est réparé par l’allocation d’une somme de 160 000 euros à titre de dommages et intérêts. La société Vortex est également condamnée à verser 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 50 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Vortex a annoncé son intention de se pourvoir en cassation.

Télécharger l’arrêt :

icone-pdf.gifCA Paris, 1er juin 2005, Vortex / British Sky Broadcasting ;
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