Protection d'un site web par le droit d'auteur

La réalisation d’un site web peut-elle être considérée comme une oeuvre de l’esprit ?

Un jugement du TGI de Lille rendu le 24 février 2005 a examiné les conditions dans lesquelles les composantes d’un site web peuvent faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur. Le cas échéant, le tribunal doit alors procéder à un examen des sites en présence pour évaluer l’atteinte aux droits invoqués.

En l’espèce, la société EATIME a réalisé le site internet « exceltaux.fr » pour le compte de la société COURTA FINANCES et lui a cédé l’intégralité des droits relatifs à la création graphique et à l’exploitation de cette dernière.

La société EATIME a par la suite réalisé le site internet « abyss-finance.com » pour le compte de la société ABYSS FINANCE.

La société COURTA FINANCE a alors assigné les sociétés ABYSS FINANCE et EATIME en contrefaçon, soutenant que « les caractéristiques de son site tout comme son architecture globale en font une oeuvre originale, protégée par le droit d’auteur (dont) les éléments originaux consistent notamment en une présentation fluide des informations et en l’accessibilité permanente des menus principaux ainsi que par l’originalité de sa carte graphique assurant une grande lisibilité de l’information« .

 

 

La société COURTA FINANCE énumère à l’appui de ses allégations un certain nombre de ressemblances entre les deux sites: animation Flash à l’entrée, accès à une adresse de type « http//www.nomdedomaine/1/index-1.html », même répartition des rubriques sur la page d’accueil, architecture comparable des deux sites.

 

Elle se prévaut également de la similarité des formulaires de calcul et de l’identité de certains codes de programmation.

 

Dans un premier temps, la question posée au Tribunal est donc celle de savoir si un site web peut être considéré comme une création originale, et peut à ce titre, être protégé par le droit d’auteur.

 

Le Tribunal reconnaît cette possibilité:

 

« la présentation même d’un site web et ses divers éléments, c’est-à-dire une page-écran (avec son assemblage de textes, d’images et de liens), un graphisme, une animation ou une arborescence, peuvent être protégés par le droit d’auteur, sous réserve de présenter un caractère d’originalité suffisant pour prétendre à cette protection des oeuvres de l’esprit« .

Ainsi, sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur, non seulement les éléments purement graphiques d’un site, mais également les composants liés à la mise en oeuvre d’un logiciel ou d’un langage de programmation.

En revanche, le Tribunal précise que certaines caractéristiques purement techniques ou banales ne peuvent pas faire l’objet de cette protection juridique.

Ainsi, ne peuvent être protégées par le droit d’auteur:

– les facilités technologiques, telles que l’utilisation de pages successives faisant apparaître des mentions du type « nomdedomaine/1/index-1.html » dans la barre d’adresse,

– l’utilisation de pages distinctes, relatives aux mentions légales ou aux contacts avec les sociétés concernées,

– les pratiques habituelles en matière de construction de site web, telle l’ouverture du site par une animation Flash ou la disposition du logo du titulaire, en haut à gauche des pages web.

Dans un second temps, se pose la question de l’atteinte aux droits invoqués.

Le Tribunal précise que la contrefaçon éventuelle d’un site internet doit s’apprécier à partir des ressemblances constatées avec le site litigieux.

En l’espèce, la similarité visuelle des deux sites n’est pas reconnue, les ressemblances invoquées n’étant pas immédiatement perceptibles par le public.

Ainsi, le Tribunal estime que les ressemblances entre les deux sites portent essentiellement sur des points de détail et que les deux sites conservent des caractéristiques propres et un caractère d’originalité qui en font des oeuvres totalement distinctes.

En outre, le Tribunal considère que certains des éléments sur lesquels porte la comparaison relèvent de la méthode et du savoir-faire de l’auteur, et ne présentent pas le caractère d’originalité requis.

L’action en contrefaçon est par conséquent rejetée.

  • Site du demandeur :

exceltaux_capture.png

  • Site du défendeur :

abyss_capture.png

Référence : TGI Lille, 24 février 2005, Courta Finance / D.L. ; Abyss Finance ; Eatime.

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