L'INPI défend son nom de domaine e-soleau.org

Le 28 février 2008, le Centre d’arbitrage de l’OMPI a rendu une décision particulièrement intéressante dans le cadre du litige opposant la société Idées & Patentes (requérant) à l’INPI (défendeur) au sujet du nom de domaine « e-soleau.org », dénomination sur laquelle la société prétendait avoir un droit de marque.

Après avoir rappelé les principes qui déterminent le champ d’application de la charte UDRP, les experts ont rendu une décision riche d’enseignements notamment sur les conditions d’opposabilité d’une marque et la reconnaissance d’un droit sur une marque d’usage notoire.

Application de la Charte UDRP à une personne morale de droit public ?

A titre liminaire, l’INPI a soulevé l’incompétence de la Commission administrative pour trancher le litige. En effet, l’INPI, invoquant les dispositions du Code Civil et les principes généraux du droit français, estimait comme toute personne morale de droit public ne pas pouvoir « se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d’un arbitre la solution » du litige.

À ce sujet, les experts rappellent que, d’une part, le système de résolution des litiges UDRP ne constitue pas un arbitrage au sens des dispositions françaises invoquées. Quant à l’obligation de participer à cette procédure d’autre part, elle est de nature purement contractuelle. En effet, tout titulaire de nom de domaine générique s’engage, en cas de litige, à se soumettre aux règles de la procédure UDRP par simple acceptation de son contrat d’enregistrement. Par conséquent, les experts concluent que « la Commission (…) ne peut pas se déclarer incompétente sur le fondement d’une règle juridique interne ».

Titularité et opposabilité de la marque e-soleau

La société Idées & Patentes considère que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <e-soleau.org>, dont l’INPI est titulaire, porte atteinte aux droits qu’elle détient sur la marque « e-soleau », initialement enregistrée au nom de son gérant et cédée à son profit par acte sous seing privé.

Les experts ont au contraire estimé que la société requérante ne pouvait invoquer de droit sur cette marque, l’acte de cession intervenu entre son gérant et elle-même ne respectant pas les dispositions impératives de l’article 714-7 du CPI selon lesquelles « toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au registre national des marques. ».

En conséquence, la demande de la société a été déclarée irrecevable et la plainte rejetée.

L’examen des arguments des parties aurait pu s’en tenir là. En effet, pour fonder une plainte, les Principes Directeurs UDRP imposent la réunion de trois conditions cumulatives : (1) l’identité ou la similitude au point de créer une confusion du nom de domaine avec une marque, (2) l’absence de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine, et (3) l’enregistrement et l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine.

La société Idées & Patentes n’ayant aucun droit opposable sur la marque invoquée, la première condition ne pouvait plus être remplie. Les experts ont néanmoins pris le soin d’étudier les conditions (2) et (3) afin d’apporter des précisions intéressantes.

« Enveloppe Soleau » – une marque d’usage ?

S’il est surprenant de constater que l’INPI n’a jamais déposé la dénomination « Enveloppe Soleau » à titre de marque, il invoquait en réponse, pour faire échec aux prétentions de la société requérante, un droit à titre de marque d’usage notoire au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris du 20 mars 1883. Or, en France, à la différence des pays de Common Law, le droit sur une marque s’acquiert presque exclusivement par son enregistrement… à l’INPI.

Les experts ont pourtant retenu cet argument. En effet, au regard de l’ancienneté, la durée de l’usage et de la diffusion massive du service de l’Enveloppe Soleau par l’INPI, ils ont considéré que « le Défendeur dispose à tout le moins d’un intérêt légitime sinon d’une marque notoire sur cette dénomination »

La prudence observée par les experts dans cette formulation s’explique notamment par le fait que la reconnaissance de l’existence d’une marque notoire au sens de l’article 6 bis relève de la compétence exclusive de l’autorité du pays dans lequel le signe est exploité… Or, la Commission administrative n’est manifestement pas celle-là.

Par Miroslav Kurdov, stagiaire au Département Multimédia du cabinet Meyer & Partenaires, Conseils en Propriété Industrielle.

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1 Commentaire

    • xxxxxx sur 21 mars 2008 à 13 h 35 min
    • Répondre

    Pour l’application de l’art 6 bis de la CUP, vous faîtes une erreur d’analyse. Il s’agit d’une disposition de la Convention d’Union de Paris de 1883 qui reconnaît des droits aux marques d’usage qui ont acquis une notoriété « exceptionnelle ». La France étant signataire de ladite convention, cette règle s’applique donc de fait même si le monopole d’exploitation sur une marque s’acquière par le dépôt. Principe : « le dépôt prime sur l’usage » depuis la loi de 1964 en GFrance sauf 2 cas : marque notaoire au sens de l’art 6 bis CUP et dépôt frauduleux (si action en revendication de propriété). Votre commentaire sur la Commun law et la déduction que vous faîtes pour le territoire français sont donc dénués de fondement.

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