Qu’un “PUR” se heurte à un “MUR”, et l’INPI rejette l’opposition

Dans une décision récente, devenue définitive le 23 juin 2009, l’INPI a considéré la marque MUR PROTECT acceptable à l’enregistrement en France malgré l’existence de la marque française antérieure PUR PROTECT (désignant des produits identiques et similaires) qui lui avait été opposée. Cette décision a priori étonnante est pourtant parfaitement dans la logique de la pratique actuelle de l’INPI.

mur-protect pur-protect

En l’espèce, le 30 septembre 2008, la société BLANCOLOR avait déposé une demande d’enregistrement de marque portant sur le signe nominal MUR PROTECT pour désigner des “Couleurs; peintures et vernis (à l’exception des isolants), laques (peintures); préservatifs contre la rouille et la détérioration du bois; matières tinctoriales; mordants (ni pour métaux, ni pour semences); résines naturelles à l’état brut; métaux en feuilles et en poudre pour les peintures, décorateurs, imprimeurs et artistes” en classe 2.

Le 7 janvier 2009, la société V 33 S.A., titulaire de la marque nominale antérieure PUR PROTECT du 16 avril 2008, visant notamment les “Couleurs, vernis, laques, peintures, lasures (tous ces produits étant non isolants); matières tinctoriales; préservatifs contre la détérioration du bois; préservatifs contre la rouille; mastic (résine naturelle), pâte à bois (résine naturelle), résine naturelle à l’état brut avec adjonction de bois (bois synthétique), produits contre la ternissure des métaux, mordants (ni pour métaux, ni pour semences)” en classe 2, a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée.

Dans son acte d’opposition, la société V 33 souligne l’identité et la similarité des produits visés, d’une part, et l’imitation de la marque antérieure par le signe contesté (une seule lettre les distinguant), d’autre part.

Dans ses observations en réponse à l’opposition, la société déposante ne présente aucune argumentation contestant la comparaison des produits. L’INPI confirme, sans surprise, que “la demande d’enregistrement contestée désigne des produits identiques et similaires à ceux invoqués de la marque antérieure”. La partie semblait bien mal engagée pour le déposant.

Cependant, la société BLANCOLOR conteste tout risque de confusion entre les signes MUR PROTECT et PUR PROTECT. Ce en quoi l’INPI lui donne raison, en constatant que si les signes en conflit sont tous deux composés d’un terme de trois lettres reproduisant le suffixe UR, d’une part, suivi de l’élément verbal PROTECT, d’autre part, il n’en demeure pas moins que :

  • l’élément commun PROTECT apparaît faiblement distinctif au regard des produits visés en ce qu’il évoque une caractéristique desdits produits (à savoir leur pouvoir protecteur), de sorte que la présence de ce terme (quasi descriptif) ne peut à elle seule engendrer de risque de confusion entre les signes ;
  • au surplus, les signes produisent dans l’esprit du consommateur une impression distincte, car différant par les lettres d’attaque (M / P) des premiers termes. Ils se distinguent ainsi nettement visuellement et phonétiquement ([mur] / [pur]), cette différence étant nécessairement perçue par le consommateur en ce qu’elle porte sur la lettre d’attaque de deux dénominations très courtes ;
  • en outre, cette différence (d’une seule lettre !) confère néanmoins à ces deux dénominations un sens totalement différent qui sera immédiatement perçu par le consommateur; intellectuellement, le signe contesté évoque la protection des murs tandis que la marque antérieure fait référence à une protection parfaite, de sorte que les signes en cause se distinguent nettement par leur pouvoir évocateur.

Ainsi, selon l’INPI, rien ne démontre que le consommateur soit en mesure d’envisager le signe MUR PROTECT comme une déclinaison de la marque antérieure PUR PROTECT, dès lors que le terme PROTECT apparaît immédiatement évocateur d’une caractéristique des produits, d’une part, et que les termes d’attaque (même s’ils présentent des ressemblances) ont une signification bien distincte, d’autre part. En conséquence, il ne peut y avoir d’association entre ces signes dans l’esprit du consommateur et le signe demandé ne constitue donc pas l’imitation de la marque antérieure.

En l’absence de risque de confusion (globalement apprécié) sur l’origine des deux marques (en dépit de l’identité et de la similarité des produits en cause), le signe MUR PROTECT peut donc être adopté comme marque pour désigner des produits identiques et similaires sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque verbale PUR PROTECT.

Il convient de relever dans cette affaire trois points confirmant une pratique désormais bien établie de l’INPI dans l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre des marques constituées d’un terme court (combiné ou non à un terme non ou faiblement distinctif) :

  • plus une marque (ou son élément dominant et distinctif) est courte (mots, sigles, acronymes, abréviations…), plus l’attention du consommateur est considérée élevée, et moins le risque de confusion entre deux signes (même proches) est évident aux yeux de l’INPI ;
  • en cas de conflit entre des signes courts, le sens des termes distinctifs présents est davantage pris en compte et, lorsqu’il diffère, permet plus facilement de démontrer l’absence de risque de confusion entre les signes ;
  • l’identité ou la similarité des produits visés par des signes en conflit ne compense pas une absence d’identité ou de similarité entre lesdits signes ; à défaut d’un minimum d’identité ou de similarité à la fois entre les produits et entre les signes en conflit, l’existence d’un risque de confusion (globalement apprécié) sur l’origine des deux marques ne peut être démontré.

Et la pureté des intentions de l’opposant s’est retrouvée,
par la logique de la décision de l’INPI, emmurée …

Télécharger la copie de la décision de l’INPI.

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