En avril 2006, France 3 a déposé une marque 7 minutes pour désigner des émissions d’information qui ont été diffusées de mars 2006 à juillet 2007.
M6 diffusant quotidiennement le journal télévisé intitulé Les 6 Minutes, sa réaction n’a pas tardé : celle-ci a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque de France 3 (opposition dans laquelle elle a eu gain de cause par l’INPI) avant d’assigner France 3 en contrefaçon des deux marques françaises suivantes :
marque française n° 1 536 489 | marque française n° 1 569 574 |
Par son jugement du 29 avril dernier, la 3ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris a effectivement condamné France 3 pour contrefaçon.
Ce jugement a pour mérite de rappeler quelques grands principes du droit des marques :
- La validité intrinsèque d’une marque s’apprécie au regard de la loi applicable au moment de son dépôt.
- L’exercice des droits sur la marque est encadré par la loi applicable au moment des faits.
- Comme dans tout litige judiciaire, il y a lieu de matérialiser les faits incriminés devant le Tribunal.
- L’article L.716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle qui définit la contrefaçon, dispose que « constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4 »
- par une marque identique à la marque enregistrée et désignant des produits ou services similaires à ceux désignés par la marque enregistrée,
- par une marque similaire à la marque enregistrée et désignant des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée,
- par une marque similaire à la marque enregistrée et désignant des produits ou services similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée.
En l’espèce, les signes en cause n’étant pas strictement identiques ( « Les 6 Minutes » et « M6 6 Minutes » d’une part, et « 7 Minutes » d’autre part) et les services visés par les marques en cause (émissions de télévision) étant identiques, c’est au regard de l’article L.713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle que le Tribunal de Grande Instance a apprécié le grief de contrefaçon.
- Plus précisément, selon l’article L.713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :
- La spécificité de l’article L.713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle est que cet article exige la démonstration d’un risque de confusion dans l’esprit du public entre les signes en cause, contrairement à l’article L.713-2 du même Code.
Ainsi, les marques de M6 ayant été déposées sous l’empire de la loi du 31 décembre 1964, le Tribunal de Grande Instance de Paris a apprécié le caractère distinctif de ces marques au regard de cette loi.
Plus précisément, après avoir rappelé que la loi de 1964 disposait que ne peuvent être considérées comme marques celles « constituées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service ou la composition du produit« , le Tribunal de Grande Instance de Paris a estimé que « la durée d’une émission télévisuelle ne saurait être considérée comme une qualité essentielle de ce type de produit » .
Le Tribunal a également validé l’absence de caractère trompeur des marques 6 Minutes en affirmant qu’ « à l’énoncé de l’intitulé, le téléspectateur s’attend à un programme télévisuel court inférieur au quart d’heure, ce qui est le cas, la durée précise d’une émission n’étant pas un critère déterminant de choix » .
En l’espèce, les actes commis par France 3 et incriminés par M6 ayant été commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991 telle que codifiée par la loi de 1992 au sein du Code de la Propriété Intellectuelle, l’atteinte aux droits sur les marques 6 Minutes doit être examinée au regard des dispositions du Code de la Propriété Intellectuelle.
En l’espèce, c’est par un constat d’huissier à la demande de M6 qu’a été constaté que « sur le site www.france3.fr, à la rubrique ‘Méditerranée’ apparaissait la possibilité de visionner des émissions de télévision intitulées ‘7 Minutes‘, diffusées initialement de mars 2006 à juillet 2007″ qui permettaient de « retrouver une interview interactive autour d’une personnalité de la région » .
(…) b) l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement » .
Pour que soit reconnue la contrefaçon, il convient donc de constater l’imitation de la marque enregistrée par le signe litigieux.
Ainsi le Tribunal de Grande Instance procède-t-il à la comparaison des signes en présence et retient :
« S’agissant des signes, le signe second est la reprise du signe premier avec uniquement le remplacement du chiffre 6 par le chiffre 7 et la suppression de l’article défini. Ainsi, les deux signes se caractérisent pas une même construction : l’association d’un chiffre au terme Minutes.
Si l’utilisation dans un titre d’une émission télévisuelle de la durée de celle-ci exprimée en minutes est courante, il n’en demeure pas moins que la substitution du chiffre 6 par le chiffre 7 n’entraîne pour le téléspectateur aucune modification substantielle de la durée, celle-ci étant perçue comme courte dans les deux cas » .
Ainsi le Tribunal de Grande Instance analyse-t-il en l’espèce l’existence d’un tel risque de confusion en relevant que:
« La marque Les 6 Minutes est exploitée par la société M6 depuis plus de 20 ans pour intituler un programme court d’informations ; dès lors, le choix du signe 7 Minutes pour désigner un programme d’information d’un format quasi-identique est de nature à créer chez le téléspectateur un risque de confusion, ce dernier étant porté à croire à une déclinaison de la marque 6 Minutes de M6 sur France 3 Méditerranée » .
Le Tribunal a par suite condamné France 3 au paiement à M6 d’une indemnité de 10 000 Euros à titre de dommages et intérêts, d’une indemnité de 10 000 Euros en application de l’article 700 du Code de Procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Voici un jugement rendu dans la bataille de l’information qui, s’il est dépourvu de scoop, est tout à fait informatif: « 6 Minutes » , 6 rappels juridiques !
En savoir plus :
- Décision d’opposition au format PDF.
- Article de Frédéric Glaize du 3 juin 2009 sur le pmdm : « Les 6 Minutes vs 7’minutes »
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[…] à jour : le jugement a été publié au PIBD. Voir l’article de Bénédicte Radix sur Vox PI, qui le résume en … six points. Wikio Wikio Jurisprudence, […]