Les mauvaises ondes de Radioblog

Par un jugement du 3 septembre 2009, le Tribunal correctionnel de Paris a condamné les responsables du site internet Radioblog, pour contrefaçon des droits détenus par les auteurs et producteurs d’œuvres musicales diffusées par le site.

Le site internet Radioblog permettait en effet l’écoute libre et gratuite de musique (pas moins de 300 000 titres depuis sa création en 2003), ainsi que le partage d’œuvres musicales par le biais de listes de lectures créées par les utilisateurs enregistrés et leur exportation sur d’autres sites ou blogs, via le logiciel Radioblog.

Radioblog

Après avoir refusé un accord proposé par la SACEM en 2007 consistant à rémunérer les titulaires de droits sur les œuvres diffusées, le site Radioblog s’est vu ensuite contraint à la fermeture et ses créateurs attraits en justice.

Un constat dressé par un agent assermenté le 26 juillet 2007 révélait ainsi la mise à disposition par le site de 25 818 titres de 138 artistes français et étrangers appartenant au répertoire géré par la Société civile des producteurs de phonogrammes.

Tout d’abord, les juges sanctionnent les prévenus au titre de l’article L335-4 du Code de la Propriété Intellectuelle, incriminant « toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit ou toute télédiffusion (…) d’un phonogramme, réalisé sans l’autorisation, lorsqu’elle est exigée, de l’artiste interprète, du producteur de phonogrammes ».

Pour matérialiser l’infraction, le Tribunal retient que Radioblog avait mis à la disposition du public, sans autorisation, des enregistrements musicaux protégés et ce par voie de liens hypertexte, conduisant à la diffusion en écoute (ou streaming) de ces enregistrements.

En second lieu, les juges sanctionnent les prévenus au visa de l’article L335-2-1 du Code de la Propriété Intellectuelle réprimant le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres protégées ».

Rappelons que ce texte est issu de la loi DADVSI de 2006 et a pour objet notamment de sanctionner la pratique du téléchargement illicite par des logiciels de peer-to-peer et les prévenus entendaient contester son application dans cette affaire, le logiciel Radioblog ne permettant, quant à lui ,pas le téléchargement, mais uniquement la diffusion et le partage de musique.

Le Tribunal rejette l’argument et rappelle que ce texte incrimine de manière générale toute mise à disposition d’œuvres au profit du public.

Les responsables du site sont par conséquent condamnés par le Tribunal à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et à 10 000 € d’amende.

Un point particulièrement intéressant de ce jugement est la manière dont les juges ont appliqué les dispositions de la loi du 29 octobre 2007, dite de lutte contre la contrefaçon, transposition d’une directive européenne de 2004, dans la fixation des dommages et intérêts dus aux parties civiles, à savoir la société Civile des Producteurs de Phonogrammes et la société des Producteurs de Phonogrammes en France.

S’appuyant sur l’article L331-1-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, le Tribunal prend en considération non seulement les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par les parties lésées, mais également les bénéfices réalisés par l’auteur des actes condamnés.

Stop MusiqueAu titre des conséquences économiques négatives, le Tribunal relève que les agissements incriminés « mettent en péril la création artistique, la production musicale et la survie même des auteurs et des artistes-interprètes » et que « la prolifération de la contrefaçon sur internet a entraîné des conséquences sur l’emploi dans le domaine du disque ».

Si ce dernier argument, de portée plutôt générale, peut surprendre, il témoigne de la tendance au durcissement de la lutte contre la contrefaçon commandée par l’intérêt général.

De manière plus circonstanciée, les juges relèvent également que le succès du site Radioblog (plus de 20 millions de visites par mois) s’est traduit par un manque à gagner pour les titulaires de droits.

Le Tribunal, suivant les nouvelles dispositions de la loi du 29 octobre 2007, prend également en compte les bénéfices réalisés par les auteurs des faits et relève que les recettes publicitaires ont rapporté à la société gérant le site 403 286 € en 2006 et 686 469 en 2007.

Le Tribunal condamne par conséquent les créateurs du site à verser à la société Civile des Producteurs de Phonogrammes une somme de 871 804 € et à la société des Producteurs de Phonogrammes en France une somme de 217 951 € , soit plus d’un million d’euros, correspondant peu ou prou au montant des bénéfices réalisés entre 2006 et 2007.

Le rejet de l’accord proposé par la SACEM en 2007 et le développement du site en dehors de tout cadre légal ont sans doute contribué à la sévérité du jugement du 3 septembre 2009.

De son côté, le site d’écoute de musique en streaming Deezer avait saisi la main tendue par la SACEM et négocié un accord visant à la rémunération des ayants droit des œuvres diffusées. Le site continue par conséquent d’émettre sur la toile. Une histoire d’ondes sans doute…

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