C’est ce qu’a jugé le Tribunal des Conflits le 2 mai 2011, saisi dans le cadre d’un conflit négatif après que la Cour d’appel de Caen et le Tribunal administratif de Caen se sont tour à tour déclarés incompétents.
Le litige opposait une société commerciale A d’une part, à une société commerciale B et à une Commune X d’autre part.
Suite à l’attribution d’un marché public à la société B, des produits de mobiliers urbains commercialisés par cette dernière avaient été installés dans les rues de la Commune X.
La société A, considérant que ces produits commercialisés par la société B contrefaisaient l’un de ses dépôts de modèles, avait attrait cette dernière ainsi que la Commune X devant les tribunaux de l’ordre judiciaire sur le fondement de la contrefaçon.
Elle demandait notamment la condamnation de la société B et de la Commune X pour contrefaçon, la réparation de son préjudice et la destruction du mobilier urbain installé.
Le Tribunal de commerce de Caen puis la Cour d’appel de Caen se sont chacun déclarés incompétents au profit du Tribunal administratif pour connaître d’un tel litige.
La société A a alors saisi le Tribunal administratif de Caen.
Ce dernier s’est à son tour déclaré incompétent, jugeant qu’il convenait de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider de cette question de compétence.
Mettant fin à près de 7 ans d’interrogation, le Tribunal des conflits a finalement jugé qu’un tel litige relevait de la compétence de l’ordre judiciaire (des tribunaux de grande instance plus précisément).
Ce litige soulevait en fait les deux interrogations suivantes:
– Un litige concernant l’exécution d’un marché public et opposant deux personnes privées (en l’espèce la société A et la société B) relève-t-il de la compétence de l’ordre judiciaire ou de celle de l’ordre administratif?
– En matière de contrefaçon, la responsabilité d’une personne publique (en l’espèce la Commune X) relève-t-elle de la compétence de l’ordre judiciaire ou de celle de l’ordre administratif?
Le Tribunal des conflits, qui rend à peine quelques dizaines de décisions par an, a décidé que:
- « Si les produits litigieux ont été fournis par la Société B en exécution d’un marché public, cette circonstance est sans incidence sur la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître d’une action en contrefaçon opposant une personne privée à une autre« .
- « Si la responsabilité qui peut incomber à l’État ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leur services publics administratifs est en principe soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative, il résulte de l’article L. 521-3-1 du Code de la propriété intellectuelle que le législateur a entendu, par dérogation aux principes gouvernant la responsabilité des personnes publiques, faire relever de la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire la recherche de responsabilité des personnes morales de droit public en raison d’une contrefaçon de dessins et modèles qui leur serait imputée« .
Cette décision a été rendue en matière de droit des dessins et modèles, mais on peut supposer à l’évidence qu’elle aurait été la même si l’on s’était trouvé en matière de droit des marques, l’article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle étant en matière de marques le pendant de l’article L. 521-3-1 cité par le Tribunal des conflits.
Cette décision sera notifiée au garde des seaux, ministre de la justice et des libertés, qui sera chargé d’en assurer l’exécution.
En savoir plus: Tribunal des Conflits décision du 2 mai 2011
2 Commentaires
Et bien voici une solution de bon sens.
N’est ce pas ?
La décision sera publiée sous le billet dans les minutes qui suivent…