Professionnels : gare à ne pas abuser le consommateur !

« Avec l’entrée dans une ère de consommation de masse, se sont développés de nouveaux types de contrats prérédigés par les professionnels et soumis à l’accord des consommateurs sans qu’ils n’aient réellement la possibilité d’en négocier les termes », (propos tenus par le cabinet de Luc Chatel, Secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation auprès de la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi.)

Ces contrats comportent parfois des clauses qui restreignent de manière significative les droits des consommateurs ou accroissent injustement ceux des professionnels.

Pour rétablir un certain équilibre dans la relation contractuelle, le législateur français a prévu, dès 1978, un dispositif de protection des consommateurs contre les clauses dites « abusives « .

L’actuel article L132-1 du Code de la consommation (issu de la loi n°2008-776 du 04 août 2008) dispose qu’une clause est abusive dès lors qu’elle a « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Il ressort également de cet article que le déséquilibre doit être apprécié au jour de la conclusion du contrat. Il ne peut porter « ni sur la définition de l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix aux produits vendus ou aux services offerts », d’autres mécanismes juridiques venant déjà sanctionner ces déséquilibres, tels que la nullité pour (cause d’)erreur ou la rescision pour (cause de) lésion.

Cette législation protectrice du consommateur a un champ d’application très large, puisqu’elle s’applique quels que soient la nature du contrat (vente, location, crédit, etc.), les produits concernés (meubles, immeubles, prestations de services), ainsi que la forme et le support du contrat (bon de commande, bon de garantie, facture, etc.).

Les personnes morales comme les personnes physiques peuvent en bénéficier. Il a en effet été jugé par les tribunaux français que, si la notion de consommateur vise exclusivement les personnes physiques, celle de non professionnel « n’exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives » (Chambre civile Cour de Cassation 15 mars 2005, n°02-13285).
Cependant, la notion de « non-professionnel » n’est pas clairement établie.

Si, dans un premier temps, la Cour de Cassation considérait qu’une personne morale pouvait bénéficier de la protection dès lors qu’elle était, relativement au contenu du contrat, « dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur » (Chambre civile 28 avril 1987), elle a ensuite circonscrit le domaine de protection de la personne morale aux contrats dont l’objet ne présentait pas un rapport direct avec son activité professionnelle (Chambre civile Cour de Cassation 27 septembre 2005, n°02-13935). Etaient en conséquence exclus les « contrats signés par un commerçant pour les besoins de son commerce » (Chambre civile Cour de cassation 21 février 1995, n°93-14041).

La Cour de Cassation semble être désormais revenue à une lecture plus restrictive des textes, puisqu’elle a récemment jugé que les dispositions sur les clauses abusives ne « s’appliqu(ai)ent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales ». (Chambre civile Cour de cassation 11 décembre 2008 n°07-18128)

Sous l’empire de la loi n°95-96 du 1er février 1995 , il existait deux sources, hormis la jurisprudence, servant à identifier les clauses abusives.
Il s’agissait, d’une part, du Code de la consommation, qui contenait une annexe listant un certain nombre de clauses pouvant figurer dans des contrats de consommation et pouvant être considérées comme abusives. Cela ne dispensait néanmoins pas le consommateur de rapporter la preuve du déséquilibre significatif engendré par de telles clauses.
D’autre part, un décret pris par le Gouvernement après avis de la Commission des clauses abusives (pour plus de précisions sur son rôle, voir <www.clauses-abusives.fr>), en date du 24 mars 1978, listait d’autres clauses déclarées de plein droit abusives.

La loi de Modernisation de l’Economie (n°2008-776 du 04 août 2008) est venue modifier cette organisation.
« Désormais », les clauses abusives ne sont plus référencées que par un seul texte,: le décret n°2009-302 du 18 mars 2009.
Entré en vigueur le 21 mars 2009, il identifie deux types de clauses dites « abusives » (pour une liste complète des clauses présumées abusives, voir ) :

  • les clauses « noires » : il s’agit de 12 clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, sont présumées abusives de manière irréfragable,
  • les clauses « grises » : il s’agit de 10 clauses qui sont également présumées abusives en raison de l’avantage excessif qu’elles confèrent au professionnel, mais celui-ci se voit offrir la possibilité de démontrer que des motifs légitimes justifient cet avantage.

Ces clauses, du seul fait de leur mention dans le décret, sont réputées non-écrites, le reste du contrat subsistant néanmoins. Le consommateur n’est dès lors pas dans l’obligation de saisir la justice pour faire constater le caractère abusif de la clause. Il lui suffit, en théorie du moins, de prendre contact avec le professionnel afin qu’il la retire du contrat.

En revanche, concernant une clause qui ne serait pas visée par le décret précité mais qui serait tout de même abusive, il appartient au consommateur de saisir le juge et de démontrer que ladite clause introduit un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Il est à À noter enfin que le consommateur victime d’une clause abusive peut saisir une association agréée de consommateurs, qui agira dans l’intérêt collectif des consommateurs.

Ces actions collectives ne sont pas rares, loin s’en faut, et visent aussi bien les contrats conclus dans le domaine bancaire (Cour de cassation Chambre civile 8 janvier 2009, UFC Que-Choisir/Crédit Lyonnais) que dans ceux du tourisme, de l’immobilier, de l’e-commerce (Tribunal de Grande Instance de Bordeaux 11 mars 2009, UFC Que-Choisir/CDISCOUNT) ou encore de la fourniture d’accès à internet.

A ce titre, les sociétés Free et Wanadoo se sont fait condamner en février 2006 à supprimer respectivement 32 et 38 clauses de leurs contrats d’accès à Internet.
Ont ainsi dû notamment être supprimées :

  • la clause qui impose le prélèvement automatique comme moyen unique de paiement,
  • la clause qui impose une durée minimale d’abonnement sans possibilité de résilier le contrat pour juste motif,
  • ou encore la clause qui autorise le fournisseur d’accès à modifier unilatéralement ses tarifs sans informer l’abonné de son droit à résiliation.

Professionnels, gare aux abus, les associations de consommateurs veillent au grain !

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