Pas même les administrations nationales chargées de l’enregistrement et de la promotion des droits de propriété industrielle.
Ainsi, la société BWI Domains (située aux Iles Caïmans) était titulaire du nom de domaine inpi.com reprenant les initiales bien connues de notre Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) pour y installer une page parking composée de liens sponsorisés dans le domaine de la propriété industrielle.
Page parking pirate | Site officiel de l’INPI |
N’ayant pu obtenir la cessation de ce trouble directement auprès du titulaire du nom de domaine litigieux suite à l’envoi d’une mise en demeure, l’établissement public a déposé une plainte auprès du Centre de Médiation et d’Arbitrage de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) en invoquant notamment ses droits antérieurs sur les marques françaises INPI et INPI INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ainsi que sur les noms de domaine inpi.net, inpi.eu et inpi.fr.
Par une décision No. D2008-1536 rendue le 27 novembre dernier, le Centre d’Arbitrage de Genève a ordonné le transfert du nom de domaine inpi.com au profit de l’INPI, constatant notamment que l’enregistrement dudit nom de domaine et l’usage qui en était fait par son titulaire relevaient de la mauvaise foi.
En effet, compte tenu du rayonnement international dont bénéficie l’INPI, notamment au travers de sa contribution à l’élaboration de textes législatifs dans le domaine de la propriété intellectuelle, il n’est pas concevable, selon l’arbitre, que le titulaire n’ait pas eu connaissance de l’INPI français au moment de la réservation du nom de domaine inpi.com.
En outre, en tant que société dont l’activité consiste à réserver ou à acquérir en masse (en l’espèce 35 000 noms !) des noms de domaine pour tirer des revenus de l’exploitation de pages de parking (activité appelée « domaining »), le titulaire ne saurait être « obstinément aveugle », selon l’expression consacrée par le Centre d’Arbitrage, et une simple recherche à l’identique sur l’acronyme INPI dans le moteur de recherche Google aurait suffi pour détecter l’existence de l’Institut National.
Les arbitres de l’OMPI sont donc plus sévères à l’égard des « domainers » qu’à l’égard des autres réservataires de noms de domaine quant à l’exigence de mauvaise foi, surtout lorsqu’ils ne manifestent aucune volonté de coopérer.
Si on ne peut qu’approuver cette décision qui met fin à une situation où le titulaire du nom de domaine inpi.com tirait un bénéfice indu de l’exploitation d’un signe sur lequel il n’avait aucun droit au détriment de notre office national, elle soulève néanmoins quelques interrogations.
La mauvaise foi aurait-elle été si évidente aux yeux de l’arbitre si le réservataire du nom de domaine inpi.com n’avait pas été un « domainer ». Certes, l’action internationale de notre Institut National de la Propriété Industrielle n’est pas contestée. Mais il n’est pas certain qu’une telle présence soit suffisante pour porter à la connaissance des cybersquatters (qui bien souvent n’ont cure des législations protégeant les droits de propriété industrielle) l’existence de l’INPI français. Les arbitres de l’OMPI sont parfois beaucoup plus sévères sur les critères d’appréciation de la mauvaise foi du titulaire. Il y a fort à parier que dans le cas du nom de domaine inpi.com, la société BWI Domains s’est contentée de réserver ou d’acquérir un nom de domaine de 4 lettres, dont on imagine la valeur intrinsèque en terme de trafic, mais n’avait pas connaissance de l’INPI français. Si on ajoute à cela que les liens commerciaux des pages parking sont souvent créés de manière automatisée et dans la même langue que le navigateur de l’internaute qui consulte la page, le critère de la mauvaise foi n’apparaît plus si évident.
En dernier lieu, il est à noter que l’exploitation du nom de domaine inpi.com, consultable également en langue portugaise et dont les liens étaient alors également liés aux domaines des marques et des brevets, portait également atteinte aux droits des offices de propriété industrielle portugais et brésilien dont les initiales sont également INPI (pour Instituto Nacional de Propriedade Industrial). On aurait pu imaginer que ces administrations agissent également contre la réservation du nom de domaine inpi.com. Leur action aurait très certainement été couronnée de succès Parfois, le principe du « premier arrivé, premier servi » devient « premier à se plaindre de l’existence d’un nom de domaine, premier à pouvoir bénéficier d’un transfert ».
l’INPI français n’est pas le seul à être la cible d’attaques de pirates. L’administration fédérale américaine de la propriété industrielle (ou USPTO pour United States Patent and Trademark Office) dont le site officiel est accessible à l’adresse www.uspto.gov est également victime de détournement par le site Internet www.uspto.com qui présente une page parking contenant des liens sponsorisés liés aux brevets et aux marques et qui entretien une confusion avec le site officiel de l’USPTO.
Page parking litigieuse | Page officiel de l’USPTO |
Malgré les nombreuses confusions relevées par une simple recherche Google, jusqu’à ce jour, l’administration américaine n’a pas souhaité se retourner contre le titulaire de ce nom de domaine.
Peut-être l’intervention de l’office français inspirera-t-elle son homologue américain.
1 Commentaire
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La procédure était moins « surprenante » que dans le cas « e-soleau » 😉
Et si maintenant l’OMPI suivait la tendance et se souciait de wipo.com ….?
[…] comme des spécialistes de la propriété industrielle. Si si, je vous jure, tout en sachant que certains vont tomber des nues. Vous voulez des noms ? Fouillez donc les whois en même temps que vous sortez […]